L’art n’existe pas

Repenser l’art, repenser l’artiste.

Affaire Polanski et compagnie, les scandales sont très nombreux dans les milieux privilégiés de l’art et de la culture dominants. Dès qu’on creuse un peu – ou plutôt dès que les paroles commencent à se délier – c’est pas très joli à voir. Pourtant, on continue à vouloir faire de l’art comme s’il s’agissait d’une vocation de foi, on continue à vouloir être artiste pour obtenir la reconnaissance sociale qui accompagne ce statut particulier sans s’interroger sur son bien-fondé.

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« Mais moi c’est pas pareil, je suis un artiste ». Je regarde mon interlocuteur – homme blanc cis bien sapé d’un trentaine d’années sous coke – avec des yeux vides. La soirée s’annonce plutôt mal, alors que je viens à peine d’arriver. Nous avons été guidées vers ce bar par une copine, qui souhaitait retrouver une connaissance. Manque de bol, l’espace est occupé par une troupe d’éméché.e.s appartenant tous à une même entreprise très connue et très lucrative – i.e.ls viennent s’encanailler entre collègues. Afterwork. L’entreprise en question est bien pire que douteuse au point de vue éthique et j’ai pas spécialement envie de faire du copinage avec ses hapiness managers et autres experts en greenwashing. Je décide de faire le point avec mon interlocuteur le plus proche. Nous venons d’entamer une discussion et il ne travaille pas pour l’entreprise. « Dis, tu as vu, ça craint cette ambiance, qu’est-ce qu’on va faire ? ». Mon interlocuteur est surpris. « Oh tu sais moi je m’en fiche un peu, avant tout je suis un artiste ». Il ne se sent pas concerné et, apparemment il en est plutôt fier. Comme il me l’explique, son engagement à lui, c’est la création.

Bien sûr que dans une société ultra-capitaliste et ultra-compétitive on est rapidement amenés à s’en fiche de tout un tas de trucs. Parce qu’il est extrêmement compliqué d’obéir en toutes circonstances à des idéaux éthiques et d’être moralement irréprochable – à moins d’être déjà extrêmement privilégié.e et de ne pas craindre grand-chose (ne pas avoir besoin de travailler et de gagner de l’argent par exemple, ou ne pas être dépendant des décisions de plus gros que soi). Les compromis sont parfois une question de survie et de préservation de sa santé mentale autant que physique. Mais le problème ne se situe pas là. Le problème c’est de brandir un statut social valorisé comme un totem qui te disculperait automatiquement de tout effort moral et serait par essence un gage de droiture. Le problème c’est de donner tant d’importance à un simple statut – l’artiste – et d’être prêt à tout pour se le faire octroyer, y compris à ignorer tout ce qui se trouve autour de soi.

Pureté ou pourriture ?

De deux choses l’une :

– Si on suit quelques considérations basiques, le processus de création apparaît comme un moyen radical d’échapper aux trivialités du quotidiens et d’entrer dans une dimension supérieure, dans un refuge de pureté, de profondeur et d’éternité (cf : ce qu’on nous rabâchait dans les oreilles dès les premiers cours de philo en terminale). Créer c’est déjà être éthique par essence car on vise, sinon le beau, au moins une expression ou interprétation puissante et intense du réel – une vérité, un bien.
Il y a quelque chose de noble, de religieux, de sacré dans l’art, car c’est la sphère privilégié de dépassement de sa propre humanité, de dépassement de soi. De petite, faible et limitée, la simple personne devient demi-dieu. En offrant son cadeau – son art – au reste de l’humanité, elle est reconnue par ses semblables, elle est admirée, voir vénérée. Elle s’affirme, affirme son existence et affirme sa vision du monde. Le.a créateur.trice permet aux humains de se retrouver pour célébrer des valeurs communes, jouir de leur propre forme d’être et de leur réussite en tant qu’espèce : ils se rendent à des cérémonies (cf : les césars), divers hommages ou dans les temples sacrés que sont les musées. Au milieu de la grande messe de l’art, l’artiste bénéficie donc d’un statut particulier, il reste à la frontière de la société, du capitalisme, de l’exploitation et de la violence ; il ou elle n’est que prête ou prêtresse.

– Mais dès lors, les candidats sont nombreux pour le sacerdoce – trop nombreux même. Car le rôle d’artiste est un moyen efficace de donner du sens à son existence et de trouver sa place dans notre société. Le rôle d’artiste confirmé – quel que soit son domaine d’expression – est associé à la réussite, il a de la valeur sociale et il est donc convoité. Parce que l’artiste peut non seulement avoir un grand pouvoir d’influence – iel existe, iel est reconnu et sa compagnie est désirée – mais iel a aussi la chance de pouvoir consacrer son existence à son œuvre, de performer son individualité – il n’est pas seulement soumis à son environnement et à la volonté des autres.
Et, comme qui dit compétition dit luttes de pouvoir, les décors de la création sont – alors qu’on associe l’acte artistique à la pureté et à la sincérité – envahis de sourdes rancœurs, de frustrations, de ressentiment, de copinage et donc de phénomènes de violences et d’exclusions (comme les décors de toutes les hautes sphères), particulièrement sur ce.ux.lles plus « vulnérables », considérés comme plus faibles.

L’artiste n’est qu’une facette d’une société de classes

L’artiste trouve alors sa place parmi les autres statuts dominants de notre société de classe. Et, si les cours d’histoire au lycée nous ont appris que la révolution français de 1989 a mis fin à un Ancien Régime et à sa division sociale entre Noblesse, Clergé et Tiers-Etat, on oublie souvent d’insister sur l’organisation actuelle de notre société, tout autant hiérarchisée. Et qui domine ? On a d’un côté la sphère politique, judiciaire et diplomatique, de l’autre les milieux financiers des entrepreneurs ou actionnaires. En face, on trouve également l’Université et la Recherche qui sont à la source de la science et du savoir tandis que les médias se chargent de le diffuser. Enfin, les artisans de la communication et de l’esthétique commerciale ainsi que les artistes qui conservent (en général) plus d’indépendance.
Mais, même si les temps ont changé et que les puissants n’ont plus (ou presque plus) la possibilité de se prétendre choisis par l’autorité absolue divine, les avantages dont bénéficient nos classes dominantes contemporaines ne sont pas si éloignés de ceux qui étaient propres à la Noblesse d’antan, c’est à dire puissance de décision, avantages fiscaux/revenus importants et relative impunité. Dans tous les cas, les strates les plus élevées de ce beau petit monde continuent à occuper l’espace central du pouvoir (Paris) et demeurent culturellement ET physiquement séparées du reste de la société française (voir ne se sentent pas concernées par elle).
Bien-sûr, l’art reste la classe la plus souple et la plus dynamiques, car l’art n’est jamais au cœur des processus de décision, il ne fait que les accompagner et demeure moins dangereux. Les puissants finissent donc souvent par accepter la créativité des bas-de-classe qui, même s’ils y sont parfois fortement réticent dans un premier temps, leur apportent tout de même exotisme et fraîcheur. Elle est distrayante et inspirante, apporte un peu de poésie. Mais cette souplesse implique donc une redéfinition permanente de ce qui est création de valeur, de ce qui est art et de ce qui ne l’est pas.

Le « vrai » art…et le reste

Prenons au plus simple : qu’est-ce que l’art comme simple notion générale ? Comme idée de base ?
Il s’agit, semble-t-il de faire acte, de faire œuvre, en gros, produire quelque chose. L’art est un savoir-faire, la transmission d’émotions, d’une sensibilité, un moyen de procurer du plaisir ou de se stimuler en tant qu’individualité ou groupe. D’élargir le champs des possibles et de la perception pour ci.el qui accepte de recevoir l’art autant que pour ci.el qui fait l’effort de le produire. C’est l’expression d’une énergie spécifique.
L’art s’étend bien évidemment toujours au-delà des cercles les plus dominants ; il s’expérimente. De l’artiste de rue à l’artiste d’opéra, du créateur ou de la créatrice inconnu.e et anonyme aux people placé.es sous les feux des projecteurs, il y a tout un monde. Mais, même si les termes d’art et d’artiste regroupent un ensemble de notions vagues et seulement temporaires, le mot implique sa définition et une nuanciation. Et alors, le classe « art » entraîne la création d’un second système de hiérarchisation : la différence entre les arts nobles, beaux, « vrais » et les arts inférieurs, un peu moins complets, un peu moins profonds.
Prenons un exemple pour comprendre cette hiérarchisation mouvante. Autrefois, les acteur.ices, était associé.es à la prostitution. Iel ne rentrait pas dans la catégorie « art » ou alors seulement art médiocre et impur. Pourtant, l’acteur.ice est aujourd’hui starifié.es, iel est « pur », tandis que la prostitution, à côté, reste décriée et considérée comme « avilissante ». Il y a eu différenciation et évolution d’un jugement de valeur. Le mot art implique cette catégorisation artificielle entre ce qui est décent et de ce qui est bas, populaire, sans intérêt, voir vile. Il y a le bon goût et ce qui est simple divertissement, voir dépravation. Organiser des Césars du Cinéma en France aujourd’hui, c’est continuer à poser cette limite de manière précise et officielle. C’est un acte annuel de redéfinition de ce qui est acceptable, ce qui ne l’est pas. Mais qui organise la cérémonie ? Qui l’a toujours organisé ? Ceux qui ont richesse et pouvoir, qui sont parfaitement insérés socialement, qui vivent et travaille principalement dans une seule et même capitale.
Bourdieu expliquait déjà que l’art participe à l’organisation de l’échiquier social et permet aux élites de se regrouper, de se reconnaître entre elles puis de s’auto-célébrer. Dans l’esprit, dis moi ce que tu trouves beau, ce qui te touche, je te dirai quelle classe sociale est la tienne. Mais au-delà des beaux-arts et des arts médiocres, on définit également quelles techniques et pratiques sont artistiques et créatrices, tandis que d’autres sont triviales et non-art, non-intellectualisables, comme la cuisine, le massage, le jardinage, le maquillage, la broderie ou la coiffure et tant d’autres. L’Art et l’artisanat. On creuses de grosses frontières à coup de bulldozer.

 

Art engagé : une fausse solution ?

Si l’art est seulement outil de domination et jouet au service d’un système de classes capitaliste, corrompu et violent, on pourrait prétendre que la résistance de l’artiste est déjà une étape clef du changement. Mais si on considère que l’art est une partie dynnamique et intégrante de ce système, la résistance ne permet rien, sinon faire bouger une définition actuelle. On inclut certaines personnes pour en exclure d’autres et cetera.
Lors de la cérémonie des Oscars de cette année, Natalie Portman a arboré une robe Dior sur laquelle figuraient les noms des réalisatrices absentes des nominations. Pour elle, il s’agissait d’un hommage « subtile » à celles qui n’ont pas été reconnue pour leur travail. Mais ici, l’acte est si « subtile » que l’actrice n’y risque pas grand-chose, à l’inverse de nombreuses féministes qui l’ont précédé. Il s’agit d’un acte de résistance qui crie « attention, je veux quand même garde ma place ». De même que l’œuvre de bienfaisance de l’entrepreneur ultra-riche ne fait que confirmer son pouvoir et sa supériorité (toujours son « droit » de choisir, d’agir), l’acte de l’artiste engagé puissant rentre toujours dans son processus de réussite individuelle et sa quête de toujours plus de privilèges sociaux. l’artiste engagé.e critique le fait qu’un réalisateur comme Polanski puisse gagner un César, mais iel se rend tout de même à la cérémonie et applaudit quand on lui demande. Ici, les gestes d’Adèle Haenel, qui, dans son refus de cautionner la victoire de Polanski, va jusqu’à quitter brutalement la salle ou d’Aïssa Maïga, qui n’hésite pas à confronter le public à son racisme tout le long de son intervention, semblent une évolution. Quelle serait l’étape supérieure ? Ne même plus se rendre sur les lieux ? Manifester devant la porte, comme l’ont fait de nombreux.ses féministes, et essayer d’aller jusqu’à empêcher complètement l’événement ?

De l’art des élites à l’art de tous ?

Retour à la case départ : le problème réside dans ce statut, cette capacité à décréter une supériorité et à en tirer des privilèges. A séparer une discipline d’autres discipline, un humain des autres. Un statut ne doit pas être là pour donner des droits supplémentaires mais non justifiés. Un statut devrait seulement accorder des compensations à des personnes souffrants d’un désavantage de base, d’une précarité, d’une vulnérabilité.
Artiste ; Art. Pourquoi a-t-on besoin de tels termes ? Pourquoi séparer les savoirs-faire en deux catégories distinctes – le beau-art célébré et l’art-de-faire trivial/quotidien ? Pourquoi des êtres auraient le privilège de s’exprimer et d’agir tout en bénéficiant d’une impunité presque illimitée ?

Polanski c’est : 12 accusations de viol, des jeunesses et des vies entières gâchées, à peine une quarantaine de jours derrière les barreaux, une petite période d’assignation à résidence en Suisse. A côté : ses films primés dans de nombreux festivals internationaux, la possibilité de tourner avec les acteur.rices les plus réputés et un budget de 22 millions d’Euros pour sa dernière réalisation.

Bref. Il est tout à fait humain de vouloir être doué.e dans son domaine tout en étant désireux de reconnaissance. Sans aller jusqu’à des actes de violence sur ses semblables, un.e humain.e se prend facilement au jeu quand on appui au bon endroit (désir d’être reconnu.e pour son travail, d’avoir de l’influence, d’avoir de la puissance ou de susciter de l’admiration). Mais c’est au détriment du monde qui nous entoure et jusqu’au retour de bâton final : l’artiste débutant n’est même pas rémunéré correctement car, dans sa lutte, la promesse de statut et donc de réussite seraient des carottes suffisantes. Le statut est pratique en ce qu’il permet de motiver les troupes et de les exploiter davantage.
On a parlé de la souplesse sociale dans les milieux de l’art. C’est une sphère privilégiée pour que les personnes dominées gagnent un peu en importance, que ce soit les femmes, les personnes racisées, les minorités de genre, etc. Mais l’espoir de « grimper les échelons » incite à se plier aux règles du jeu pour finalement….obtenir la reconnaissance d’hommes riches, vieux, blancs et puissants, trop heureux de récupérer la richesse produites par leurs « poulains ».
Oui, on a besoin d’art. On a besoin d’inspiration. D’interprètes et de représentant.es qui nous apportent la « voix » qui parfois nous manque. C’est un prolongement de nous-même, un réconfort, ainsi qu’un moyen de se sentir moins seul.e, moins fragile.
Mais si nous avons besoin d’art, c’est finalement parce qu’on ne nous laisse pas l’occasion de nous exprimer nous-même, de libérer notre propre parole, notre propre énergie. En soi, la plupart des êtres humains, si ce n’est tous, aspirent à pouvoir être créatif, dans le sens : avoir un domaine où ils peuvent librement et puissamment s’exprimer, montrer leur spécificité, leurs émotions propres ; rencontrer des êtres nourris des mêmes énergies et des mêmes problématiques ; être dans un processus de peaufinage, de recherche, de passion ; s’oublier autant que de se trouver ; se vider la tête ou la remplir.
On ne va pas revenir maintenant à l’évocation d’un nécessaire partage des tâches (chaque être humain pouvant être à la fois être de labeur, être politique, être créatif), mais dans une société idéale, tout le monde possèderait une voix, tout le monde bénéficierait de temps pour se consacrer à un ou à des savoirs-faire de son choix.
L’art ne serait pas une sphère sociale particulière mais seulement une somme d’arts-de-faire généraux.
L’art n’existerait pas.

L’intelligence n’est qu’une reconnaissance sociale

Lorsque j’étais encore enfant puis adolescente, j’étais intimement persuadée que l’intelligence est une vertu, une force ou un don. L’intelligence : quelque chose que l’on devait vouloir atteindre ou posséder. Un idéal, autrement dit. Il y avait d’un côté le désir d’être associé à un être brillant, doué, vif et malin. De l’autre, la peur d’être ramené.e à une chose bête, lente, idiote.

Mais l’intelligence, qu’est-ce que c’est ? Rapidement, j’ai associé ce concept à une maîtrise des mots. Être intelligent.e, c’est posséder de nombreuses idées, savoir les faire tourner les unes sur les autres, s’enchaîner à toute vitesse, s’associer. Réfléchir, construire, penser. Exposer des éléments raisonnables à l’autre afin de pouvoir interagir avec lui, lui apporter quelque chose par le langage. Or, qui connaît les mots et sait les assembler peut approcher les idées. En connaissant toujours davantage de termes et de notions, j’avais l’impression d’élargir mon esprit, d’acquérir le pouvoir de matérialiser des énergies intimes et secrètes (sans toutefois aller jusqu’à les extérioriser et concrétiser ce pouvoir).

Et au petit jeu des mots, j’avais de la chance : sitôt les livres tombés entre les mains – soit des sommes infinies de mots imprimés et officialisés – je me suis mises à les dévorer. Les mots coulaient en moi et me pénétraient sans difficulté. Ils m’imprégnaient et ne me quittaient plus. Je n’étais pas snob, je prenais tout ce qu’on voulait bien me donner, car tous les mots sont bons à lire ; les mots des magazines pour enfants, des romans à l’eau de rose pour adulte, des contes et des légendes, des bande-dessinée ou des trilogies fantastiques. Je dévorais jusqu’aux mots des paquets de céréales ou des romans photos douteux et kitschissimes de ma grand-mère. Je n’ai véritablement commencé à sélectionner ma nourriture qu’à partir d’un âge beaucoup plus avancé. Jusque là, tous les mots se valaient et je me plongeais dans la lecture jusqu’à l’obsession. Quand tout était lu, je relisais. Et quand relire des relectures ne m’excitait plus, je tournais en rond, nerveuse et agitée ; la matière me manquait.

Alors, j’ai commencé à sentir mon esprit. A en être fière, même. Je voyais les idées en ébullition dans ma tête, prêtes à jaillir dans le monde. Grâce aux mots, je pouvais de plus obtenir la seule reconnaissance sociale qu’y m’était alors accessible : celle des adultes, de l’autorité parentale et surtout scolaire. Car les notes et autres rituels appréciatifs reposent grandement sur la capacité à jouer avec les mots, à mémoriser leur sens, à les mettre dans le bon ordre et au bon moment. J’avais beau être très médiocre en grammaire, en orthographe ou en travaux de groupes, ne pas être spécialement attirée par les mathématiques, ma familiarité avec les mots me suffisait à trouver ma place, à obtenir des bonnes notes et quelques appréciations élogieuses.

Je prenais avec joie les récompenses que l’on daignait me jeter, comme le chien qui remue la queue lorsqu’on le félicite sans pour autant qu’il sache ce qu’il a fait de bien. Très gentiment, le système autour de moi simplifiait tout. Il chiffrait mes efforts et mes performances, nous offrait une définition officielle, académique et échelonnée de l’intelligence. Pourquoi regarder plus loin ? On nous offre du sens, une logique, une direction déjà donnée. Il n’y a qu’à la suivre le plus loin possible, tant qu’on en a l’énergie et les capacités.

C’est pourquoi, je ne cherchais pas à aller au-delà. Pourquoi vouloir construire hors des sentiers battus, innover pour soi-même ou pour les autres ? Pas besoin. J’utilisais les mots et les phrases mais mes idées restaient en moi, se retournaient sur elles-mêmes sans se développer. Finalement, elles n’avaient même pas à jaillir. On n’en attendait pas tant de moi. Je répétais les mots et les phrases. L’intelligence comme un tour de passe-passe.

Mais le chien tremble et gémie quand il se désole d’échouer.

Il ne m’a certes pas fallut très longtemps pour découvrir que j’étais une identité sociale avant d’être un esprit pur et libre. Pour découvrir qu’on ne m’appelait intelligente que lorsque j’étais calme, sage et docile. Conforme. Mais tant que le système scolaire me protégeait, me punissait parfois mais sans jamais aller jusqu’à m’exclure, j’acceptais les limites et les failles de la réalité, me contentant de quelques rebellions timides.

Mais très vite, l’esprit et son identité se cogne à des obstacles aussi indépassables qu’inattendus. Alors que je m’adaptais plutôt bien aux petites écoles voir aux établissements scolaires d’une ville ne dépassant pas les 10 000 habitants, j’ai vu l’entrée dans la majorité me conduire vers des strates sociales plus élevées et des conflits sociaux nouveaux. D’abord, la classe préparatoire littéraire commença à appuyer douloureuse sur mes points faibles et mes insuffisances académiques. Je résistais au système et n’en faisais qu’à ma tête, sentant toutefois le doute apparaître et ma confiance baisser. Peut-être que je n’étais pas vraiment intelligente ? Ensuite, la faculté me ramena lentement à mon genre féminin trop faible et pas assez philosophique, à mon manque d’aisance à l’oral au milieu d’un groupe. Les camarades garçons menaient le jeu et me parlaient comme si j’étais une petite fille. Je ne comprenais pas. Quelque brillants que puissent jamais être mes résultats, ils ne pouvaient suffire me faire reconnaître comme un esprit. Je recherchais désespérément mon intelligence dans les yeux de mes interlocuteurs. Ils ne me regardaient pas toujours, leur regard perdu sur une surface sensée m’appartenir mais donc je n’avais pas conscience : un être social féminin, petit et faible, de plus en plus maladroit et pas toujours affirmé.

On me refusait donc l’intelligence académique, la vérité théorique. Ironie pour quelqu’un qui n’avais jamais misé sur l’intelligence pratique ni sur ses capacités sociales. Conduire une voiture, s’organiser en groupe, exprimer ses émotions de manière claire, communiquer une journée entière ou suivre des consignes orales relativement simples ? Autant de tâches qui se révélaient souvent complexes et fatigantes. Mes escapades dans le monde du travail et des petits jobs me l’avaient bien montré. Et maintenant, c’était les mots qui m’échappaient. Ma voix se révélaient trop faible pour eux. Ils refusaient de m’appartenir.

Les mots sacrés se retournaient contre moi. Ils étaient là mais je ne pouvais plus les utiliser.

Idiote ? Alors, je suis partie.

L’intelligence ne sauve rien.

Oui, j’ai longtemps vécu dans un monde binaire et fait d’idées pré-conçues, de chemins et réalités facilement descriptibles. Analysables. Peu importaient les sentiments et la communication tant que je vivais dans un monde de mots isolé et dématérialisé. Peu importait la chair. Les autres êtres humains ne me parlaient pas vraiment et je ne leur parlais pas non plus, nous nous laissions tranquilles, comme si nous ne faisions pas partie de la même espèce.

Une suite d’évènements, d’épreuves, le cours naturel de la vie et la découverte progressive de ses injustices suffit pour que tout s’écroule. Le monde n’est ni logique ni compréhensible. C’est un labyrinthe sans fin et éprouvant, impossible à décrire, à saisir. Dès qu’ils bougent, les yeux tombent sur un nouveau recoin. Jusqu’à présent il se dissimulait dans l’ombre mais maintenant il est là. Et on ne sais qu’en faire. Il n’y a plus de description objective. Plus de vérité. Seulement un tâtonnement infini dans le noir.

Que reste-il de l’intelligence ?

Quelle valeur lui donner si la reconnaissance de l’autre en tant qu’être sensé, digne d’écoute et capable de prendre ses propres décisions est de toute façon complètement biaisée ? L’autorité sociale décrète quelles branches de la population sont dignes d’intérêt et lesquelles devraient demeurer dans le silence, surtout si leur modèle de pensée et d’appréhension du monde diffère de la norme…

Bien sûr, la société dans son ensemble, et le système scolaire en particulier, s’acharne à nous faire croire que l’intelligence et la réussite sont liés aux seules efforts. Je me souviens de nos professeurs nous répétant inlassablement qu’il ne fallait pas prendre un mauvais résultat personnellement tout en nous criant l’inverse dans leur regard et leur attitude. Ne pas se plier au système c’est être idiot.

Que reste-il ?

Il y a colère. La perte de substance. Le monde qui se fragmente. Même l’individu n’est plus d’un ensemble instable de fragments, bien incapable de se saisir soi-même. Il n’y a plus de mots ni d’idées, seulement le chaos.

Alors, il reste le devenir-bestial. Prendre sur soi la sauvagerie et la brandir comme un drapeau. Rejeter l’intelligence. Rejeter son humanité. Vouloir être la bête, la créature cachée dans l’obscurité et qui n’en sort que selon ses envies et instincts. La bête sans sexe, sans statut, sans maître ni dieu. La bête qui ne connaît ni l’autorité ni le pouvoir, mais seulement les énergies et beautés vivantes qui croisent son chemin.

La bête à soif. Soif du monde et de tout le reste. Si parfois elle se perd, si parfois elle s’apprivoise ou s’intègre, on ne peut jamais la tuer. Elle est là dans l’ombre. Qui rit encore de l’intelligence.

Court-métrage – Du bout des doigts

C’est l’été qui disparaît. Alors enfin, je reprends des choses en cours et achève le montage d’un nouveau court-métrage. Cette fois-ci, je me suis amusée à explorer notre relation tactile au monde et à faire courir mes doigts un peu partout.

Si chaque partie de mon être est précieuse à mes yeux, c’est avec mes doigts que j’écris actuellement sur ce clavier. C’est avec eux que je me nourris. Que je me lave. Que je me protège. Que je touche d’autres êtres. Que je prends conscience de mon propre corps. Que je pars à la rencontre du monde.

D’où mon désir de leur rendre aujourd’hui un petit hommage…

 

Du bout des doigts – Une histoire du toucher

La Chronique des sens #2 Genres et sexualités

« Chaque jour je vis avec mon corps, pourtant je crois que je ne le connais pas vraiment…si ce n’est quelques varices ou vergetures »

Les dernières semaines ayant été particulièrement intensives, je n’ai pas eu beaucoup de temps pour publier quoi que ce soit par ici. J’ai bien commencé divers textes…mais j’ai toujours dû finir par les laisser reposer à l’état d’ébauche… Y compris cette deuxième Chronique des sens ! Pour cause : j’ai participé à un projet de création théâtrale collective et, entre l’écriture, la mise en scène et les répétitions, avec le travail et le mémoire à côté, j’ai eu bien peu de soirées libres pour m’installer devant mon ordinateur…. Heureusement, je peux maintenant profiter de quelques instants de répits !

Revenons brièvement à l’origine de ce projet : pourquoi une Chronique des sens ? Et bien, comme l’analyse et la réflexion conceptuelle ne sont pas tout en ce monde, j’ai eu envie de me concentrer sur des expériences qui parlent avant tout à notre sensualité de corps et stimulent nos sensations, directement ou indirectement. Bien sûr, en soit, toute expérience humaine fait appel aux sens… Mais il reste que certains aspects de notre corporalité sont le plus souvent à l’arrière plan, planqués derrière notre intellect…Ou alors, notre quotidien stimule seulement l’audition et la vue, au détriment des autres sens… Actuellement, mon odorat est vraiment nul et peu développé… je ne sais pas ce qu’il en est du vôtre…

Dans son livre La Dimension Cachée, l’anthropologue Edward T. Hall va même jusqu’à parler de frustration sensorielle et kinesthésique pour décrire nos environnements de vie quotidiens. Prenons la voiture par exemple : on peut y passer une bonne partie de nos journées alors qu’elle nous prive presque complètement de la sensation du monde. La vue est toujours là (quoique à grande vitesse…pis il faut voir la tête de nos autoroutes…) mais les odeurs, les bruits sont fortement atténués et le toucher complètement éliminé (à part si on ouvre la fenêtre pour se prendre de l’air frais dans la tête). Hall reproche de même aux architectes et urbanistes de concevoir des espaces et lieux de vie fonctionnels mais mal adaptés à notre richesse sensorielle naturelle.

Mais attaquons le vif du sujet… j’ai décidé de donner un double thème à cette deuxième Chronique des sens : les genres et les sexualités. Si chaque partie pourrait être traitée individuellement, j’ai choisi de les mêler ici, car dans nos catégories mentales traditionnelles, le genre (= être une femme/être un homme) est souvent associé à une manière strictement normée de vivre sa sexualité et sensualité. Or, si cela est bien sûr plus complexe, il reste que la sexualité est une manière privilégiée d’explorer sa corporalité et son identité (par exemple : son genre).

Allez, assez de théorie. Je vais maintenant passer à la Chronique… comme vous le remarquerez j’ai choisi aujourd’hui principalement des œuvres audio-visuelles….pas si facile de sortir de la domination œil/oreille !

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[Avertissement : certaines œuvres citées contiennent des scènes de nudité ou de sexualité explicite. D’autres font référence à des violences et mutilations sexuelles

– Les Yeux –

Cinéma et Technicolor : The Love Witch, ou la féminité comme performance

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Pour ce film américain sorti en 2016,  Anna Biller jongle avec les codes de la comédie et du cinéma horrifique rétro. Visuellement, il m’a vraiment bluffé : il est psychédélique, ultracoloré et reproduit l’univers des seventies avec tellement de fidélité (il est même tourné sur pellicule) qu’à la fin de mon premier visionnage, j’étais persuadé d’avoir vu un film d’époque… Et ça va même plus loin, car on a également droit à des détours hallucinants dans le kitsch de l’époque victorienne et celui de l’univers médiéval.

La réalisatrice nous raconte ici l’histoire d’Elaine, magnifique jeune femme qui utilise la sorcellerie et ses charmes  pour regagner sa confiance en elle après avoir être maltraitée par des hommes. Mais elle n’est pas pour autant affranchie de ces derniers… Le ton est donné dès le début du film, lors de la première rencontre avec son agent immobilier Trish, future amie et concurrente « Oh, you are so pretty« . Avant toute chose, Elaine est la femme parfaite. Ou plutôt, elle souhaite l’incarner afin de trouver et séduire son futur prince charmant. Elle surjoue alors la féminité et offre tour à tour délicieux repas et strip teases très sensuels à ses prétendants…Mais aucun ne fait l’affaire, et les pouvoirs de la belle finissent toujours pas les plonger dans la folie… Heureusement, les capacités d’Elaine ne s’arrêtent pas à séduire et plaire aux yeux…

 

– L’ Oreille –

Comédie musicale : Hedwig and the andry inch, ambiguités de genre sur fond de mutilations sexuelles

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Hedwig ne s’est pas toujours appelée ainsi. Avant de faire des show mi-glamour mi-punk aux USA avec son groupe de musique et devant une audience restreinte, elle s’appelait Hansel et était un jeune allemand vivant à Berlin-Est. Mais son destin a changé après le début d’une histoire d’amour avec un soldat américain… Car celui-ci l’a convaincu de se faire opérer pour changer de sexe et quitter le pays avec la carte d’identité de sa mère…Et ce n’est que le début de son histoire !

Hedwig-and-the-angry-inch-la-fragmentation-la-chronique-des-sens3Cette comédie musicale a été écrite en 1998 par John Cameron Mitchell, qui l’a fait jouer dans des bars gay drag queen avant de l’adapter au cinéma en 2001 (il joue également le personnage principal). Ce classique m’a autant séduit par le charisme de ses acteurs et le style de Hedwig (admirez son magnifique pantalon pat d’éph zébré dans l’extrait ci-dessous !) que par ses scènes musicales. Hedwig est un personnage mystérieux et meurtri par des trahisons passées, mais ses performances artistiques lui permettent de se libérer et de se défouler tout en lui donnant l’occasion de dévoiler petit à petit son parcours complexe… Le mythe de l’androgyne est très présent ici et le film nous montre des identités violemment confrontées à la nécessité sociale de faire correspondre ses attributs sexuels à son apparence physique et son comportement (et inversement).

 

– Le Nez –

Un conte fantastique au cinéma : Les Garçons Sauvages, une œuvre étrange et perturbante

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Il y a un peu plus d’un an, je découvrais le cinéma délirant de Bertrand Mandico grâce à la très bonne plateforme de VOD Univers Ciné (je recommande tout particulièrement leur offre d’abonnement mensuel UNCUT). Le court-métrage Notre-Dame des hormones m’avait interloqué voir dégouté…en tout cas il ne m’avait vraiment pas laissé indifférente. Je n’avais jamais vu de réalisations audio-visuelle aussi…organique et corporelle, avec des images et couleurs stylisées à l’extrêmes et des textures très présentes… ce qui est assez jouissif quand on ne supporte plus les images lissées et standardisées qu’on nous sert en permanence au quotidien (quand le monde commence dangereusement à ressembler à une banque d’images – allez parcourir une banque d’images si vous n’en avez jamais eu l’occasion).

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Bref. Les Garçons Sauvage, premier long-métrage du réalisateur français, est tout aussi bizarre et « arty » que ses œuvres précédentes. Le film est tourné en noir et blanc mais il est entrecoupé de scènes colorées. Des « montées de sève » comme les appelle Mandico. Quant à l’intrigue de départ , elle est assez glauque : 5 jeunes garçons riches et arrogants (joués par des actrices !) violent puis assassinent leur professeur de littérature. Ils s’en sortent en racontant tous le même mensonge mais ils sont tout de même condamnés à entreprendre un voyage vers une île mystérieuse avec un capitaine brutal et dominateur (celui-ci a promis au parents de mater leurs fils et de les rendre « doux comme des agneaux« ). Une fois arrivés sur l’île, ils commencent à se transformer en femmes…

Les-garçons-sauvages-la-chronique-des-sens-la-fragmentation12Ici, on retrouve de nouveau le thème de l’ambiguïté sexuelle (des-femmes-qui jouent-des-hommes-qui-deviennent-des-femmes) de même que le mythe de l’androgyne !

En soit, ce film ne fait pas directement référence à des odeurs ou à l’odorat. Mais je trouve que l’ambiance moite et vaporeuse dans laquelle il nous plonge donne l’impression de faire face à un poison gazeux et potentiellement dangereux qui s’infiltre lentement dans nos narines Enfin… je le ressens comme ça du moins.

 

– La Bouche –

Pornographie et poésie des corps : Four Chambers

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Four chambers est un collectif et studio de production de films pornographiques crée en 2013 par deux anglaises. L’une d’entre elles, Vex Ashley, est une ancienne travailleuse du sexe et étudiante en art. A l’origine du projet : l’envie de mêler des performances sexuelles à esthétique dans des images qui soient à la fois belles, émouvantes…et excitantes.

Avec Four chambers, il ne s’agit pas de « consommer » de la pornographie. Les vidéos disponibles sur le site ne sont pas décrites grâce à des « tags » ou liste d’actes sexuelles divers. Chacune est une expérience spécifique, la découverte d’une atmosphère dans laquelle il faut plonger. Les scènes ne donne ni l’impression d’être voyeuriste, ni de participer soi-même à l’action. Bien plus, on a l’impression de se remémorer soi-même une scène d’amour, ou de la rêver, dans une suite de scènes mystérieuses et brèves, dont le développement n’est pas toujours linéaire. L’intimité et l’émotion sont toujours au premier plan de l’intrigue (regards échangés, sourires, caresses, baisers, rapports de force…) et le jeux des acteurs est réaliste.

four-chambers-la-fragmentation-la-chronique-des-sens33J’ai découvert le collectif à l’occasion du festival du film pornographique de Berlin l’hiver dernier. J’avais été séduite par une court-métrage beau et intriguant ainsi que par la prise de parole de Vex Ashley, présente sur les lieux. La réalisatrice et actrice avait ainsi notamment parlé de rapports de classe et de sa volonté de permettre au plus grand nombre d’avoir accès à du porno alternatif (pour environ 9 dollars on a accès à toutes les vidéos de Four Chambers pendant un mois). Bien sûr, ça reste tout de même de la vidéo « arty » dont les expérimentations visuelles et l’approche de certains fetisch ne peut pas séduire toute le monde.

La bouche, organe sensuel par excellence, est ici souvent au coeur de l’image. Qu’elle embrasse, lèche, crache, suce, mord ou exprime son plaisir.

 

– La Main –

La Cinéma à fleur de peau : Touch Me Not

« Chaque jour je vis avec mon corps, pourtant je crois que je ne le connais pas vraiment…si ce n’est quelques varices ou vergetures »

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Avec son premier long-métrage, Adina Pintilie  nous plonge dans l’intimité de trois êtres humains aux parcours corporels variés :

  • Laura, la 50aine, ne supporte pas qu’on la touche et fait appel à différents travailleurs.euses du sexe pour tenter de résoudre ses difficultés
  • Christian est atteint d’un handicape sévère mais accorde beaucoup d’importance à sa sexualité
  • Tómas a perdu l’intégralité de ses poils et de ses cheveux à l’âge de 13 ans et il a beaucoup de difficulté à exprimer ses émotions

Touch-me-not-la-fragmentation-la-chronique-des-sensA leurs manières chacun tente de répondre à la question « Comment peut-on aimer l’autre sans se perdre soi-même ? » Le film les accompagne alors dans leur parcours initiatique, en mélangeant fiction et documentaire. Seuls les corps et les individualités se détachent. Les décors sont dépouillés et la texture de l’image très douce, avec un arrière-plan le plus souvent flou, sans couleurs vives. Comme une caresse.

Touch-me-not-la-fragmentation-la-chronique-des-sens7.jpgC’est également une très belle approche de la sexualité et du consentement que nous offre la réalisatrice, ainsi qu’une représentation remarquable du travail du sexe.

Ce film était mon deuxième coup de cœur de l’année 2018, avec La Casa Lobo (dont j’ai déjà parlé dans la précédente Chronique des Sens). J’ai aussi eu la chance de pouvoir le voir pendant la Berlinale et j’ai été très heureuse de le voir remporter l’Ours d’Or. C’est amplement mérité, car cette œuvre est incroyablement touchante et surprenant, autant par ces images délicates que les émotions intenses qu’elle donne à voir.

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PS: si certains d’entre-vous parlent Allemand, l’acteur Christian Bayerlein (qui interprête son propre rôle à l’écran) possède son propre blog Kissability, où il parle à la fois de handicape et de sexualité

Allez, et en plus de tout ça on nous murmure un très beau morceau du groupe allemand Einstürzende Neubauten à l’oreille tout au long du film.

 

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Et pour conclure la Chronique du jour, voici deux projets en cours en rapport avec le thème ! Car la Main, ce n’est pas seulement le toucher, c’est aussi faire et tenter d’agir sur le monde !

  • Polysème Mag : pour son quatrième numéro, le magazine a lancé  un appel à projet sur le thème des sexualités !

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  • Par et Pour : une page Facebook qui regroupe des témoignages de travailleuses et travailleurs du sexe

Tan a décidé d’écrire un livre recueillant des témoignages en rapport avec le travail du sexe. En parallèle, elle publie divers témoignages sur cette page Facebook. Un sujet de société intéressant et important, avec pour objectif de libérer et valoriser la parole des personnes concernées !

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Et voilà, c’est la fin de cette Chronique des Sens #2 ! Je vous laisse avec une dernière petite pépite… Ce morceau de punk rock britannique qui tape sur l’image de la « féminité typique » (j’avais déjà parlé de The Slits dans cet article)

Merci pour votre visite !

 

 

[L’image illustrant l’article vient du site internet de Four chambers]

L’école de campagne

La lecture d’un article annonçant la fermeture de nombreuses structures scolaires en milieu rural pour la rentrée 2019 m’a fait replonger dans de vieux souvenirs….et donné envie de raconter le rôle que peut jouer une école de campagne dans un parcours personnel… Continuer à lire … « L’école de campagne »

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Profondément problématique, jamais neutre car privée de parole, la figure de Bécassine doit être rattachée à des luttes plus actuelles et au-delà de son identité bretonne… Continuer à lire … « Bécassine ou la femme sans bouche »

On n’écrit que dans les marges

Aux périphéries, marges, espaces étroits, peu peuplés ou cachés. Aux espaces invisible ou instable. Divers et difformes. Vous êtes finalement bien vastes, et laissez de la place à chacun. Continuer à lire … « On n’écrit que dans les marges »